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Pensées d'une ronde
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11 septembre 2006

Un jour, au hammam

Deux ans qu'elle n'est plus là. Anéantie en six mois de ce qu'il est coutûme d'appeler une longue maladie. Deux ans qu'on n'entend plus son rire tonitruant. Pour moi qui n'était pas du premier cercle de ses intimes, elle restera cet instant là, suspendu et décisif...
Un jour, au hammam (texte déjà publié le 13 mars 2006)

hammamLa ronde rêvait d'aller au hammam. L'ambiance orientale, la chaleur, l'idée de s'occuper de son corps trop négligé, et puis aussi le thé à la menthe, l'odeur des huiles de massage... Mais à chaque invitation de ses amies, elle déclinait, invoquant les mêmes prétextes fallacieux que lorsqu'on lui proposait d'aller à la piscine. Parce que le hammam, bien sûr, impliquait de se dénuder et de se mouvoir ainsi en public. Sans même la perspective de s'immerger dans l'eau.

Et puis un jour, une amie de passage à Paris ne lui laissa pas le choix. C'était une fille différente, de celles à qui on ne dit pas qu'on peut pas se mettre nue devant elle, qu'on se sent trop grosse. Le style de fille qui n'aurait d'ailleurs jamais regardé les bourrelets de qui que ce soit et que ce genre de considérations semblait dépasser. Non pas qu'elle fût indifférente, mais son chemin avait été et serait toujours semé d'embuches bien plus insurmontables que quelques kilos en trop.

Alors, un peu malgré elle, la ronde se laissa faire et accepta de l'accompagner. Dès qu'elle entra dans la mosquée, elle fut submergée par l'odeur de l'huile qui sentait à la fois l'amande, l'argan, le thym et la lavande. La vapeur aussi, lui fit presque peur, comme si l'air saturé d'humidité ne parvenait pas à l'oxygéner. Et puis, petit à petit, elle s'habitua. Première bonne surprise, il n'y avait pas que des jeunes femmes au corps parfait. Vieilles marocaines aux seins lourds, femmes à la maigreur maladive, futures mères et copines étudiantes formaient un groupe disparate et hétéroclite, au sein duquel la ronde pouvait presque trouver sa place.

Elle resta malgré tout un long moment entortillée dans son paréo devenu instantanément humide et collant. Son amie, elle, fut tout de suite nue, offrant le spectacle de son corps brut et sûr. Ses hanches pleines étaient rassurantes et ses longs cheveux noirs lui donnaient l'air d'une orientale. Il émanait d'elle une telle vérité, un aspect si terrien, que la ronde se sentait presque apaisée. Elles s'installèrent dans une alcôve, et commençèrent le rituel consistant à s'oindre de savon noir. La ronde, toujours bridée par ses complexes, se contentait de s'enduire les bras, refusant l'idée de tomber le paréo. Quand son amie eut ce geste dont elle ne soupçonna probablement jamais les répercussion ni la portée...

D'un geste doux mais sans appel, elle ota le tissu trempé et commença à l'enduire de mélasse noire. Le dos, puis les bras, le ventre, les jambes. Elle la lava comme une mère l'aurait fait. La ronde en pleura d'émotion, ses larmes se mêlant aux gouttes de vapeur. Difficile de trouver les mots pour dire ce qu'elle ressentit. Entre ces mains énergiques et amicales, son corps devenait aimable et pouvait être touché. Elle qui avait si souvent eu l'impression d'inspirer le dégoût, devenait l'objet d'une attention inespérée. Il n'y avait pas d'ambiguité dans l'attitude de son amie. En la lavant elle faisait simplement d'elle son égale.

Le reste de l'après-midi, je ne m'en souviens pas. Je garde juste en mémoire ces quelques minutes de plénitude. Et regrette que cette amie, partie aujourd'hui, n'ait jamais su.

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Commentaires
B
Comme je me délecte de plus en plus souvent de venir ici lire la "tite Caro" et vous toutes, je pense qu'il me faut d'urgence prendre quelques actions chez "Clean-Ex" ;)<br /> Sinon, je ne suis pas ronde, je suis obèse, et j'ai déjà goûté aux plaisirs du hammam, (bon j'avais aussi le paréo et c'était pour l'enterrement de vie de jeune fille d'une amie), mais je me souviens très bien l'odeur de la fleur d'oranger et de ses bienfaits après une épilation au miel et l'ambiance particulière qu'on ne trouve que là-bas... Bises à toutes
T
émue.
F
ah ben voilà juste avant je voulais faire de toi notre futur présidente<br /> et maintenant je pleure...<br /> <br /> juste pour l'info, il y a le hammam pacha à saint deni qui est merveilleux, un peu cher mais tellement génial, je n'ai tombé que le haut de mon maillot ce qui est déjà exeptionnel pour moi<br /> mais apres un gommage du corps par une mama marocaine, l'enrobemment de glaise, la massage du corps par une femme plein d'amour et de "je m'en fou pas mal que tu sois pas mannequin,moi j'trouve que t'es belle parce que tu parles bien" et pour finir un massage du visage et du corps... je me sentais bien... tres bien...<br /> <br /> tiens, j'crois que j'vais m'offrir ça comme cadeau de fin de partiel...<br /> <br /> rebonne soirée<br /> re bises de fée
W
bel hommage... beau texte!
C
Fleur de Lupin, je suis tout à fait d'accord, la nudité finit par rendre tout ça invisible...<br /> <br /> Possomette, c'est mignon ton commentaire qui pique au bout du nez... ça me fait ça aussi quand je suis émue. Oui, il faut dire les choses, toujours.<br /> <br /> Tartuffette, elle est belle ton histoire à toi aussi. Emouvante et touchante.<br /> <br /> Pati, à mon tour de verser des larmes... Je ne te connais pas et pourtant j'imagine tes gestes, doux et pleins de pludeur. J'imagine ce cadeau que tu as fait à ton ami, ce présent de fin de vie. Ne jamais oublier que même dans les dernières minutes, on est en vie, on est des vivants. Et qu'on a droit à être traités comme tels.<br /> <br /> Elsa, oui, c'est ça. Dans ce petit interstice temporel qu'est la vie, on croise des pépites...<br /> <br /> Maurine, merci à toi pour ton commentaire plein de douceur et d'humanité également.<br /> <br /> Anna, je prends ces larmes comme un compliment<br /> <br /> Evalia, c'est si vrai ce que tu écris... on se prive de bonheurs simples et évidents pour des complexes absurdes.<br /> <br /> Poussemousse, j'ai ressenti exactement ce que tu décris avec mon homme. Et également avec cette si chère amie.<br /> <br /> Garance, je suis comme toi, cette chaleur parfois m'incommode. Je veux croire que tu as raison, et qu'elle a su ce jour là qu'elle avait fait plus que n'importe laquelle de mes amies pourtant plus proches.<br /> <br /> Ptite Zabelle, je te souhaite de croiser le chemin d'un ange aux long cheveux alors...<br /> <br /> Titenacky, oui, un ange... Tu parles de punition, je crois qu'en effet c'est par là qu'il faut regarder. Je crois qu'on ne s'aime tellement pas qu'on s'inflige des punitions telles que celles de se refuser le plaisir d'un hamamm.<br /> <br /> Fyfe, c'est exactement pour cette raison que j'ai écrit ce billet, parce que je me dis qu'en l'évoquant, je cultive son souvenir. Et je la fais revenir parmi nous, le temps de quelques mots.<br /> <br /> Beatrice, le temps viendra j'en suis sûre où tu oseras. Et tu ne le regretteras pas.
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