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Pensées d'une ronde
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6 juin 2006

Devoir de mémoire

La nuit dernière, ma cocotte a fait un cauchemar. Pas juste un mauvais rêve, non, un de ces cauchemars qui vous laissent en sueur dans vos draps trempés, le coeur battant la chamade et l'angoisse plantée en plein ventre. Un de ceux sur lesquels la magie d'un verre d'eau n'opère pas, pas plus que les calins d'une maman ensommeillée. Un vilain songe vicieux qui revient dès que les paupières se referment.

Après nous être réveillés trois fois, nous l'avons calée entre nous deux - ouh, c'est mal - deux parents épuisés sachant que même les plus odieux rêves d'enfants ne résistent tout de même pas aux gardiens farouches et belliqueux que sont un papa et une maman en manque de sommeil.

Le lendemain, ma fille ayant réussi à retrouver son calme, a réussi à me raconter le fameux cauchemar. "Il y avait ce monsieur très méchant, tu sais maman, qui voulait m'emmener loin d'ici pour me prisonnier et me tuer, avec plein d'autres enfants. Tu sais, "Adof Hiter"".

Adof Hiter... J'ai tout de suite mieux compris sa terreur nocturne. Moi même je n'apprécierais pas trop que le bonhomme vienne me rendre visite en pleine nuit.

Une question tout de même: pourquoi Adof Hiter ? A ma connaissance la seconde guerre mondiale ne fait pas encore partie du programme de troisième année de maternelle. L'explication est en réalité très simple. Il y a deux jours, alors que j'étais à Berlin  (!), une cérémonie du souvenir a été organisée dans l'école maternelle, en hommage aux nombreux enfants disparus pendant la rafle du Vel d'Hiv. Après la pose d'une plaque commémorative, les enseignants ont tenté d'expliquer ce qui était arrivé à ces petits. Sans se douter qu'"Adof Hiter" occuperait beaucoup de place dans la tête de leurs jeunes élèves...

J'ai bien tenté d'expliquer à ma fille que le monstre était mort et qu'il ne risquait pas de revenir de sitôt. Se souvenir était bien sûr essentiel, mais il ne fallait plus avoir peur. Terminé ma biche, on n'y pense plus, rideau. Elle m'a regardée perplexe, puis m'a lancé:

"Alors pourquoi ma maitresse nous a dit que si on n'y pense plus ça risque de se reproduire ?"

A ce moment là j'ai compris qu'elle s'efforçait, depuis la pose de la plaque, de garder tous ces enfants morts à l'esprit, de peur que l'histoire ne se répète...

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Commentaires
C
Pati, le jour où je voudrai en parler comme il faut, je reviendrai peut-être vers toi, pour que tu me conseilles. Je sens que tu as les mots justes.<br /> <br /> Angé, j'adore cette bd. Elle est d'une force et d'une subtilité incroyable. Je me suis aussi pris Shoah en pleine poire et j'ai aussi été très choquée. Quand à tes cauchemars, c'est fou comme on parvient à vivre inconsciemment les traumatismes de nos anciens...
A
Je comprends très bien moi aussi la terreur de ta fille, j'ai fait une grande quantité de cauchemars de la deuxième guerre mondiale, étant enfant...<br /> Des rêves de bombardement d'immeubles, d'être terrés dans une cave à ne pas devoir faire de bruit, toutes sortes d'horreurs de ce genre.<br /> Puis au collège, ils ont cru bon de nous balancer Shoah - tel quel, "prenez-en plein les yeux".... J'ai été tellement bouleversée que je ne pouvais plus ni voir, ni entendre parler, ni lire quoique ce soit sur le sujet pendant des années. J'avais une culpabilité monstrueuse sur les épaules: qu'aurais-je fait à cette époque, moi-même blonde aux yeux bleus et très "aryenne" de physionomie!!!<br /> Aurais-je protégé ou dénoncé...?? J'étais paniquée par cette interrogation. Finalement, il y a 5 ans environ, j'ai appris que mon grand-père avait été décoré de la médaille des Justes. Il avait caché quelqu'un dans sa cave. Ca m'a rassurée un peu. J'étais proche de mon grand-père et je me suis dit que s'il avait pu le faire, peut-être y serais-je arrivée aussi...<br /> Mais j'avais 14 ans quand j'ai vu Shoah, pas 6, et j'ai mis plus de 15 ans à m'en remettre!! Protège ta puce de ces idées monstrueuses qui ont germé chez l'humain - ne pas oublier ne signifie pas se le mettre en pleine poire dès le plus jeune âge!! <br /> Pédagogie, pédagogie de l'éducation nationale...!! Tout un poème...<br /> Connais-tu "Maus" la bd d'Art Spiegelman ? C'est une bd qui remet les choses en place avec intelligence. Très bon livre!! Mais ne pas le mettre dans les petites mains!! ;-)
P
parler des camps est un de mes devoirs, librement consenti par moi, ceux qui me lisent un peu le savent...<br /> <br /> j'en ai parlé à mes enfants, au travers de l'histoire de mon grand-père, mais bien sûr, sûrement pas AVANT qu'ils ne m'en parlent eux-même!<br /> et certainement pas quand ils étaient encore à la maternelle !! <br /> je trouve ça moi aussi parfaitement illustratif du fait que le choc des mots se passe parfois du choc des photos!! et que les instit's feraient mieux d'un peu mieux accompagner leurs dires...<br /> <br /> mon fils romain n'a que 8 ans, et lui aussi m'a demandé des explications, (il nous avait entendu parler des camps, moi et son frère ainé)<br /> je sais bien qu'il est précoce, mais j'ai tout de même (ou peut-etre à cause de ça, justement...) répondu qu'il avait suffisement d'infos pour le moment, entrer plus dans les détails ne ferait que le choquer pour rien...<br /> (je lui ai déjà parlé de ça, en des termes choisis, et en restant tout de même relativement vague du point de vue des descriptifs...)
C
Je crois que tu as raison Arcadia. On obtient peut-être même des effets plus négatifs et contre productifs qu'autre chose...
A
je ne pense pas que la maternelle soit le lieu ni l'age ideal pour cela..
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